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31 janvier 2019

Porteuse de fagot



En automne dernier, j'avais déniché dans un magasin de déstockage un livret intitulé : Paysans, paysannes. Vie et moeurs campagnardes. (Editions l'Amateur). Il contient des photos sépia prises à la fin du XIX ème siècle, tirages sur papier albuminé. L'éditrice a eu la bonne idée d'y adjoindre des notes extraites des carnets de Jules Renard qu'elle a délibérément essayé de mettre en rapport. L'ensemble très intéressant donne un aperçu des conditions de travail et de la précarité d'une époque qui semble lointaine mais qu'ont sans doute connue mes arrières grands-parents.

"6 mai 1905 : Ragotte. Il lui suffit de porter un fagot pour avoir l'air d'une forêt qui marche.

23 août 1905 : Ragotte ne sait pas laver dans un baquet. Elle fait un voyage pour laver un torchon à la rivière dans l'eau qui court.

     Aller à la messe et laver à la rivière, deux vieilles habitudes sacrées.

     Leur fille est morte dimanche et a été enterrée mardi. Lui, toute la journée du lundi, il a battu le fléau. Elle, elle n'a pas l'air d'une femme qui a perdu sa fille : elle a l'air d'une femme qui, deux fois par jour, matin et soir, a ses quatre vaches à tirer."


26 janvier 2019

Tailleur de pierre



C'est probablement avec l'autre, le plus vieux métier du monde. Dès le paléolithique inférieur, il y a environ deux millions d'années, Homo erectus savait déjà façonner des pierres pour répondre à ses besoins.

Les plus beaux monuments sont passés par ses mains. Et ça commence humblement, comme pour une prière, à genoux sur une pierre qui est là depuis toujours. Quelle sera sa destination, sa place exacte ? Curieux et patient tête à tête entre l'esprit d'un homme fragile, de passage et la matière inerte, froide et pérenne qui finit cependant par se laisser modeler.

Le Grand Homme 

Chez un tailleur de pierre 
où je l'ai rencontré 
il faisait prendre ses mesures 
pour la postérité.

 Jacques Prévert.

14 janvier 2019

C'était avant


Avant l'apparition de la tronçonneuse on se servait de la hache et du passe-partout, une grande scie qui se maniait à deux pour couper les arbres. Avec la hache, on pratiquait une grande incision en V au pied de l'arbre, du côté où il allait tomber puis avec le passe-partout, on sciait l'autre partie en coupant l'arbre de l'autre côté, un peu en biais jusqu'à ce qu'il tombe. Aujourd'hui, si l'outil a changé, les risques sont les mêmes.

On coupe généralement les arbres à la fin de l'automne et en hiver, quand la sève ne circule plus et que l'arbre est au repos. Cela concerne moins les résineux  comme c'est le cas ici.

8 janvier 2019

Les soyots



Le latin "secare" = couper a produit le verbe "scier". On retrouve cette racine dans le patois vosgien : "soyer" = scier, une "soye" est une scie et une "soyotte" une petite scie. Puis le sens s'est un peu étendu : le "soyage" désignait la moisson à la faucille et les faucheurs étaient des "soyots".

L'activité était pénible car elle sollicitait beaucoup les bras, les épaules et les reins. Je me souviens, quand j'étais gamin avoir admiré les anciens couper l'herbe (surtout pour les lapins) avec une régularité d'horloge franc-comtoise. J'entends encore ce bruit caractéristique de la lame qui attaquait la base des tiges qui se couchaient docilement. De temps en temps, ils s'arrêtaient, sortaient une pierre à aiguiser d'une corne qu'ils portaient à la ceinture au niveau des fesses et donnaient quelques coups bien ajustés sur la lame bleutée, coupante comme un rasoir. Bien évidemment, interdiction absolue de jouer dans un périmètre rapproché !! Ce qui me paraissait incroyable, c'était leur patience d'horloger et leurs gestes doux, prudents, respectueux quand ils battaient la lame sur une petite enclume pour la redresser, en touchaient prudemment le fil, le regardaient gravement  alors qu'une taupinière, une branche, un caillou heurtés inopinément pouvaient les mettre hors d'eux. J'apprenais alors avidement des gros mots que je ne comprenais pas toujours mais dont je me délectais.