Il me semble que c'est Paul Cézanne qui aurait répondu à un peintre débutant qui lui demandait comment trouver un sujet, de peindre son tuyau de poêle. La réponse peu sembler cinglante, voire méchante ou condescendante. Je pense plutôt que l'artiste a fait savoir d'une manière certes bourrue que chaque objet possède une espèce de beauté intrinsèque qu'il faut essayer de rendre et que le problème n'est pas le modèle mais sa représentation. C'est une question de regard. Un maître de stage parlait de transcendance et le lien avec la "rose" de Saint Exupéry arrive tout seul : "C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante".
Fort de ces doctes conseils, j'ouvre désormais mon carnet pour consacrer quelques minutes aux sujets les plus ordinaires, même pas dessinables, à la banalité la plus grise, à la platitude la plus navrante, à l'invisible quelconque... et il s'en dégage parfois une espèce de poésie.
Alors voilà comment on peut surprendre un couple d'amoureux qui a arrêté sa balade en bordure de Meuse pour se faire des bisous.
Et puis là, un lieu-dit "La fosse aux cloches" sous le givre. La Meuse y fait une boucle avec des trous d'eau. On y aurait jeté des cloches lors d'une période trouble de l'histoire pour qu'elles ne servent pas à faire des canons. En fait, personne ne sait expliquer ce toponyme. Ce qui est certain et attesté, c'est qu'il existait une fonderie sous la Révolution et toujours présente en 1836 deux kilomètres en aval.
Et enfin ces deux poteaux de clôture bien empêtrés dans des restes de fils de fer, souvenirs d'une époque pas si lointaine où ils délimitaient un espace destiné à faire paître des bestiaux.